-
Notifications
You must be signed in to change notification settings - Fork 2
/
Copy patharticle1.xhtml
23 lines (18 loc) · 25.5 KB
/
article1.xhtml
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
<?xml version='1.0' encoding='utf-8'?>
<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" xml:lang="fr">
<head>
<title>http://www.grabmybooks.com</title>
<meta http-equiv="Content-Type" content="text/html; charset=utf-8"/>
<link href="../stylesheet.css" rel="stylesheet" type="text/css"/>
<link href="../page_styles.css" rel="stylesheet" type="text/css"/>
</head>
<body class="calibre">
<h2 class="calibre1">Chapitre 2</h2>
<p class="calibre2"><i class="calibre3">Ce chapitre est dédié à Amazon.com, la plus grande librairie en livre sur Internet du monde. Amazon est fantastique — un “magasin” où vous pouvez obtenir pratiquement n’importe quel livre jamais publié (ça, et pratiquement n’importe quoi d’autre, du laptop au cheese-grater), où ils ont élevé la recommendation au rang des Beaux-Arts, où les clients communiquent directement les uns avec les autres, où l’on invente constamment de façons nouvelles et meilleures de réunir livres et lecteurs. Amazon m’a toujours traité comme si j’étais en or — son fondateur, Jeff Bezos, a même publié une revue de mon premier roman ! — et j’ai fais toujours du shopping comme un fou (d’après mes comptes, il semble que j’achète sur Amazon environ tous les six jours). Amazon est en train de réinventer ce que c’est que d’être une librairie au 21ème siècle, et je ne vois pas quels gens seraient plus indiqués pour confronter cet épineux problème. Amazon.</i></p>
<p class="calibre2">“Je pense à m’inscrire en Physique à Berkeley”, a dit Darryl. Son père avait enseigné à l’université de Californie à Berkeley, ce qui lui aussurait la gratuité des frais d’inscription. Et dans sa maison, la question de s’il irait n’avait jamais été l’objet de débats.<br class="calibre4"/>- C’est très bien, mais tu ne pourrais pas étudier sur Internet ?<br class="calibre4"/>- Mon père m’a dit que je devrais le lire. Et puis, je n’avais pas l’intention de commettre des crimes aujourd’hui.<br class="calibre4"/>- Sécher les cours n’est pas un crime. C’est une infraction. Ca n’a rien à voir.<br class="calibre4"/>- Qu’est-ce qu’on va faire, Marcus ?<br class="calibre4"/>- Eh bien, je ne peux pas le cacher, alors je vais devoir le bousiller aux micro-ondes.<br class="calibre4"/>L’extermination des Arphid relève de la magie noire. Aucun vendeur ne veut voir des clients mal intentionnés se promener dans ses rayons en laissant dans son sillage des monceaux de marchandises lobotomisées auquel il manque leur code-barre invisible, alors les fabricants ont refusé d’implémenter un “signal de terminaison” que l’on pourrait envoyer par radio à en arphid pour le désactiver. On peut reprogrammer les arphids avec les bons outils, mais je déteste faire ça à des livres de bibliothèque. Ca n’est pas exactement aussi grave que de déchirer les pages, mais ça reste mal, parce qu’un livre à la puce reprogrammée ne peut plus se ranger et on ne le retrouve plus. Il devient une aiguille dans une botte de foin. Cela ne me laissait plus qu’une possibilité : tuer l’arphid aux micro-ondes. 30 secondes dans un micro-onde suffisent à régler le compte d’à peu près n’importe quel arphid du marché. Et comme l’arphid ne répondrait plus du tout quand Darryl rendrait le livre à la bibliothèque, ils en referaient simplement un nouveau, le recoderaient avec la cote du livre, et il se retrouverait tout nouveau tout brillant sur son étagère. Tout ce dont nous avions besoin, c’était un micro-ondes.<br class="calibre4"/>- “Donnons-nous encore deux minutes et la salle des maîtres sera vide”, j’ai dit.<br class="calibre4"/>Darryl a agrippé son livre et s’est dirigé vers la porte.<br class="calibre4"/>- Oublie tout ça, je ne marche plus. Je vais en cours.<br class="calibre4"/>J’ai attrapé son coude et l’ai traîné en arrière.<br class="calibre4"/>- Allez, D., calme. Tout va bien se passer.<br class="calibre4"/>- La salle des maîtres ? Tu n’as peut-être pas bien écouter, Marcus, si je me fais prendre encore une fois, c’est l’expulsion. Tu entends ? L’expulsion.<br class="calibre4"/>- Tu ne te feras pas prendre.<br class="calibre4"/>S’il y a un endroit qu’un prof ne surveillerait pas, ça serait la salle des maîtres. “On passera par l’entrée de derrière”. La salle avait une petite kitchenette sur un côté, avec sa propre entrée pour les profs qui voulaient juste prendre une tasse de café au passage. Le micro-onde — qui dégoulinait toujours de restes de pop-corn et de soupe renversée — était installé là, posé sur un frigo miniature. Darryl a grogné. J’ai réfléchi très vite.<br class="calibre4"/>- Écoute, la cloche a déjà sonné. Si tu rentres en cours maintenant, tu vas te prendre un avertissement pour retard. Tu es mieux barré en n’allant pas du tout. Je peux m’infiltrer et m’exfiltrer de n’importe quelle salle de ce campus, D. Tu m’as vu faire. Je te couvrirai, mec.<br class="calibre4"/>Il a grogné encore une fois. Ca, c’était un ??? de Darryl: quand il commence à gragner, c’est qu’il est prêt à se laisser convaincre. “Allons-y”, j’ai dit, et nous nous sommes mis en mouvement. Ca s’est passé aux petits oignons. Nous avons doublé les salles de classe, descendu l’escalier de derrière qui mène à la cave, et avons réémergé des escaliers de devant juste devant la salle des maîtres. Il n’y avait pas le moindre bruit derrière la porte, j’ai tourné le bouton tout doucement et j’ai entraîné Darryl à l’intérieur avant de refermer la porte en silence. Le livre entrait tout juste dans le micro-ondes, lequel avait l’air encore moins hygiénique que la dernière fois que je m’étais introduit ici pour l’utiliser. J’ai consciencieusement emballé le livre dans des serviettes en papier avant de le poser. “Vraiment, ces profs sont des cochons”, sifflai-je. Darryl, le visage livide et tendu, n’a rien répondu.<br class="calibre4"/>L’arphid a péri dans une gerbe d’étincelles, ce qui est toujours très joli à voir (encore que pas aussi joli, et de loin, que ce qu’on obtient en passant aux micro-onde une grape de raisin surgelée; il faut le voir pour le croire).<br class="calibre4"/>Maintenant, exfiltrer le campus en parfait anonymat et mener notre évasion à bien. Darryl a ouvert la porte et a commencé à sortir, avec moi sur ses talons. Une seconde plus tard, il m’écrasait les orteils, ses coudes enfoncés dans ma poitrine, en essayant de reculer précipitamment dans la cuisine grande comme un placard. “Recule !”, a-t-il chuchoté avec insistence. “Vite — c’est Charles !” Charles Walker et moi ne nous entendons pas trop. Nous sommes dans la même promotion, et nous nous sommes connus depuis aussi longtemps que je connais Darryl, mais la ressemblance s’arrête là. Charles a toujours été grand pour son âge, et maintenant qu’il joue au football américain et qu’il prend des protéines, il est encore plus grand. Il a des problèmes de tempéramment — j’ai perdu une dent de lait à cause de lui quand j’avais 8 ans — et il a réussi à s’en tirer malgré tout en devenant le pire cafard de toute l’école. C’est une sale combinaisons, une brute et une balance, prenant plaisir à rapporter aux profs toutes les infractions qu’il repère. Benson adore Charles. Charles s’est débrouillé pour laisser entendre qu’il souffrait d’un problème urinaire non spécifié, ce qui lui donne une excuse permanente pour patrouiller dans les couloirs de Chavez enquête de gens à fliquer.<br class="calibre4"/>La dernière fois que Charles m’avait pris dans le pif, ça m’avait forcé à abandonner les GN. Je n’avais aucune intention de le laisser m’attrapper encore une foi.<br class="calibre4"/>- Qu’est-ce qu’il fait ?<br class="calibre4"/>- “Il vient par ici, voilà ce qu’il fait !”, a répondu Darryl d’une voix tremblante.<br class="calibre4"/>- “Bon”, j’ai dit, “voici venu le temps des contremesures d’urgence”.<br class="calibre4"/>J’ai sorti mon téléphone. J’avais préparé ça bien longtemps à l’avance. Charles ne me reprendrait plus jamais. J’ai envoyé un mail à un serveur chez moi, et l’engrenage s’est mis en mouvement. Quelques secondes plus tard, le téléphone de Charles s’est mis à cacophoner de façon spectaculaire. J’y avais fait envoyer des dizaines de milliers d’appels et de SMS, simultanément, ce qui avait déclanché et continuait de déclancher toutes les sonneries et sons qu’il contenait. L’attaque fonctionnait par l’intermédiaire d’un botnet, et pour ça je ne me sentais pas fier, mais c’était pour une bonne cause.<br class="calibre4"/>Les botnets, c’est là où les ordinateurs infectés par des virus vont après leur mort. Quand vous vous faites contaminer par un ver ou un virus, votre ordinateur envoit un message à un canal de discussion IRC — l’Internet Relay Chat. Ce message annonce au botmaster — celui qui a déployé le ver — que des ordinateurs sont prêts à faire ses volontés. Les botnets sont suprêmement puissants, puisqu’ils se répartissent sur des milliers, voire des centaines de milliers d’ordinateurs, dispersés dans tout Internet, connectés à des connections haut débit bien juteuses, et qu’ils tournent sur machines domestiques puissantes. Ces PCs fonctionnent normalement pour leurs propriétaires, mais lorsque le botmaster les invoque, ils se dressent comme des zombies pour réaliser ses désirs. Il y a tellement de PCs infectés sur Internet que le prix pour louer une ou deux heures de botnet s’est effondré. La plupart du temps, ces trucs travaillent pour les spammers comme des spambots distribués bon marché, qui bourrent votre boîte aux lettres d’offres pour des pilules à faire bander, ou d’autres virus qui vous infectent et recrutent votre machine pour lui faire rejoindre le botnet. J’avais loué 10 secondes de temps de calcul sur trois milles PCs, et fait envoyer à chacun d’entre eux un SMS ou un appel en voice-over-IP vers le téléphone de Charles, dont j’avais trouvé le numéro sur un post-it sur la table de travail de Benson, le jour d’une de ces dramatiques visites dans son bureau. Cela va sans dire, le téléphone de Charles n’était pas équipé pour ce genre de choses. D’abord, les SMS ont saturé la mémoire de son téléphone, ce qui a fait disfonctionner les opérations de routine qui commandent la sonnerie ou tiennent la liste des appels en absence et leurs numéros bidons (est-ce que vous saviez qu’il est très facile de simuler un numéro de téléphone à rappeler ou une identification d’appel ? Il y a environ cinquante façon différentes de faire — essayez de taper “spoof caller id” dans Google, pour voir). Charles l’a fixé, l’air complètement perdu, et s’est mis à le secouer furieusement, ses sourcils épais faisant des noeuds et des arcs pendant qu’il luttait contre les démons qui avaient possédé le plus personel de ses appareils. Le plan avait fonctionné jusqu’à maintenant, mais il ne faisait pas ce qu’il aurait été supposé faire ensuite — il était censé aller s’asseoir dans un coin pour trouver une façon de reprendre possession de son téléphone. Darryl m’a secoué par l’épaule, et j’ai détourné mes yeux de la fente dans la porte.<br class="calibre4"/>- “Qu’est-ce qu’il fait ?”, a murmuré Darryl<br class="calibre4"/>- “J’ai bousillé son téléphone, mais là il est juste en train de le regarder, au lieu de bouger”.<br class="calibre4"/>Ca ne serait pas facile de redémarrer ce truc. Une fois que la mémoire est totalement saturée, il lui serait difficile de charger le code dont il avait besoin pour détruire les messages bidons — et il n’y avait pas de suppression en masse sur son modèle, il devrait détruire manuelle lui-même tous les milliers de messages. Darryl m’a repoussé et a collé son oeil àla fente. L’instant d’après, ses épaules ont commencé à secouer. J’ai eu un moment de terreur à l’idée qu’il était pris de panique, mais alors il s’est reculé, et j’ai vu qu’il riait tellement fort qu’un flot de larmes coulait sur ses joues.<br class="calibre4"/>- Galvez vient de le massacrer pour avoir été dans les couloirs pendant les cours et pour avoir eu un téléphone — tu aurais dû la voir le mettre en pièces. Elle y prenait vraiment plaisir.<br class="calibre4"/>Nous nous sommes serrés la main solennellement et sommes retournés en catimini dans le couloir, avons descendu les escaliers, tourné le coin, sommes sortis par la porte, avons dépassé la clôture et nous sommes retrouvés baignés dans le soleil glorieux de l’après-midi dans la Mission. Valencia Street n’avait jamais paru aussi belle. J’ai regardé ma montre et j’ai glapi. “On bouge ! Le reste de la bande nous rejoint au funiculaire dans vingt minutes !</p>
<p class="calibre2">Van nous a vus la première. Elle s’était fondue dans un groupe de touristes coréens, sa façon préférée de se camoufler quand elle séchait les cours. Depuis que la mode des blogs s’est répendue, notre monde est plein de boutiquiers fouineurs et d’emmerdeurs qui considèrent comme leur devoir de nous prendre en photo et d’uploader ça sur le net où ça peut être moissonné par les proviseurs. Elle est sortie de la foule et a mis le cap sur nous. Darryl a un faible pour Van depuis une éternité, et elle est assez adorable pour faire comme si elle n’avait jamais remarqué. Elle m’a serré dans ses bras et s’est tournée vers Darryl, déposant sur sa joue un baiser fraternel qui l’a fait rougir jusqu’en haut des oreilles. Ces deux-là font une drôle de paire : Darryl est plutôt rondouillet, encore que ça lui va bien, et il a le genre de tein rose qui devient franchement rouge dès qu’il court ou qu’il s’excite. Il a eu de la barbe depuis l’âge de 14 ans, mais Dieu merci il a pris l’habitude de se raser après une brève période que notre petite bande appelle “les années Lincoln”. Et il est grand. Très, très grand. Genre, grand comme un joueur de basket. Alors que Van, elle, a une demi-tête de moins que moi, et est toute maigre, avec des cheveux noirs raides qu’elle porte avec des tresse démentes et sophistiquées dont elle trouve les plans sur Internet. Elle a une jolie peau couleur du cuivre et des yeux sombres, et elle adorer porter des disques de verre de la taille de radis qui cliquette quand elle dance.<br class="calibre4"/>- “Où est Jolu ?” a-t-elle dit<br class="calibre4"/>- “Quuucomment ça va, Van?” a demandé Darryl d’une voix étranglée.<br class="calibre4"/>Il avait toujours un temps de retard dans la conversation quand il y avait Van.<br class="calibre4"/>- “Ca va super, D. Et toi, comment ça va, mon cher petit ?”<br class="calibre4"/>Oh, c’était vraiment méchant. Darryl a failli s’évanouir.<br class="calibre4"/>Jolu l’a sauvé du ridicule en apparaissant juste à ce moment, dans une veste de baseball trop grande pour lui, des baskets de luxe, et une casquette en grillage avec une publicité pour notre catcher mexicain préféré, El Santo Junior. Jolu est Juse Luis Torrez, le membre qui complète notre quatuor. Il étudiait dans une école catholique super-stricte dans Outer Richmond, de sorte que ça n’était pas facile pour lui de sortir. Mais il y arrivait toujours : personne ne s’exflitrait comme notre Jolu. Il aimait sa veste parce qu’elle tombait bas — ce qui était assez à la mode dans certains quartiers de la ville — et qu’elle couvrait tout son accoutrement d’école catholique, qui aurait servi de cible à tous les boulets qui ont le blog anti-courbe dans les signets de leur smartphone.<br class="calibre4"/>- “Qui est prêt ?”, j’ai demandé après qu’on s’est salués.<br class="calibre4"/>J’ai sorti mon smartphone et j’ai montré la carte que j’y avait téléchargé depuis BART. “Pour autant que j’aie pu comprendre, nous devons remonter vers Nikko, continuer d’un pâté jusqu’à O’Farrell, et tourner à gauche vers Van Ness. Quelque part par là, nous devrions trouver le signal WiFi”. Van a tiré la tête : “C’est un sale coin du Tenderloin”. Il n’y avait pas à discuter. Cette partie de San Francisco est une zone bizarre — on y entre par l’entrée principale du Hitlon et c’est plein de trucs de touristes du genre trams à crémaillères et restaurants familiaux. Entrez-y par l’autre côté, et vous êtes dans le ‘Loin, où tous les prostitués travestis, les pires macs, les dealers de drogue et les junkies SDF de la ville se concentraient. Ce qu’ils s’achetaient et se vendaient, aucun d’entre nous n’avait l’âge de s’y intéresser (encore qu’il y ait eu quantités de prostituées de notre âge faisant commerce dans le ‘Loin).<br class="calibre4"/>“Vois le bon côté des choses”, j’ai dit, “le seul moment de la journée où tu voudrais traîner par là, c’est au grand jour. Aucun des autres joueurs ne va s’approcher de là avant demain au minimum. En ARG, on appelle ça une avance de fou.”<br class="calibre4"/>Julo m’a fait un grand sourire.<br class="calibre4"/>- “Tu vends bien ta cause”, il a dit.<br class="calibre4"/>- “C’est sûrement mieux que de manger des uni”, j’ai répondu.<br class="calibre4"/>- “On va continuer à discuter, ou on va gagner ?”, a dit Van.<br class="calibre4"/>Après moi, elle était sans doute la plus mordue du jeu dans notre groupe. Elle prenait la victoire très, très au sérieux. Nous nous sommes mis en chemin, quatre bons amis, en route pour percer un mystère, gagner un concours — et perdre tout ce qui nous tenait à coeur, pour toujours.</p>
<p class="calibre2">La composante physique de l’indice du jour consistait en un jeu de coordonées GPS — il y en avait pour toutes les grandes villes où l’on jouait à Harajuku Fun Madness — où nous trouverions le signal d’un point d’accès WiFi. Ce signal était délibérément brouillé par autre point d’accès dissimulé à proximité de façon à ne pas se faire voir des détecteurs de Wifi conventionels, comme ces porte-clefs qui vous disent quand vous êtes à portée d’un point d’accès ouvert, et qu’on pouvait utiliser gratuitement. Nous devrions suivre la piste du point d’accès caché en mesurant la force du signal du point d’accès visible, et en localisant le point où il était le plus faible, par mystère. Là, nous trouverions un autre indice — la dernière fois ça avait été dans un menu spécial du jour chez Anzu, le restaurant à sushi luxueux dans l’hôtel Nikko à Tenderloin. Le Nikko appartenait à la Japan Airlines, l’un des sponsors de Harajuku Fun Madness, et le personnel nous avait fait un fête quand nous avions finalement trouvé l’indice. Ils nous avaient offert des bols de soupe miso et nous avaient fait goûter des uni, des sushis à l’ourson, qui ont la texture du fromage trop fait et l’odeur de crottes de chien beaucoup trop faites. Mais ils avaient très bon goût. C’est en tout cas ce que Darryl m’a dit. Je n’allais pas avaler ce truc.</p>
<p class="calibre2">J’ai attrapé le signal WiFi avec le détecteur de mon téléphone à peu près à trois pâtés de O’Farrell, juste avant Hyde Street, devant une boutique de “massages asiatiques” chelou avec un signe FERMÉ clignotant rouge sur la devanture. Le nom du réseau était HarajukuFM, alors nous savions que nous avions trouvé le bon endroit.<br class="calibre4"/>- “Si c’est là-dedans, je n’y vais pas”, a dit Darryl.<br class="calibre4"/>- “Vous avez tous vos détecteurs de WiFi ?”, j’ai demandé<br class="calibre4"/>Darryl et Van avaient des téléphones avec des détecteurs intégrés, alors que Jolu, trop cool pour porter un téléphone plus grand que son petit doigt, avait un petit détecteur directionel indépendant.<br class="calibre4"/>- “OK, on se disperse et on regarde ce qu’on trouve. Nous cherchons une chute brutale du signal qui s’empire quand on la suit.”<br class="calibre4"/>J’ai reculé d’un pas et j’ai fini par marcher sur les pieds de quelqu’un. Une voix féminine a dit “oof” et je me suis retourné, craignant qu’un drogué me plante pour lui avoir piétiné les orteils. A la place, je me suis retrouvé devant une gosse de mon âge. Elle avait des mèches rose fluo et un visage de fouine, avec des lunettes de soleils grosses comme une visière de pilote de chasse. Elle portait des collants rayés sous une robe de grand-mère, avec des petits jouets de décoration japonais cousus partout dessus — des personnages d’anime, des dirigeants européens, des logos de marques de boissons étrangères. Elle tenait un petit appareil photo et a pris un cliché de moi et de mon équipe.<br class="calibre4"/>- “Souriez !”, elle a dit, “vous êtes sur la caméra cafteuse cachée !”<br class="calibre4"/>- “Non,” j’ai répondu, “tu ne ferais pas –”<br class="calibre4"/>- “Je le ferai”, elle a dit. “Je vais envoyer cette photo à la police des cours courbés dans trente secondes si vous quatre ne dégagez pas d’ici et laissez mes amis et moi trouver l’indice. Vous pouvez revenir dans une heure et il sera à vous. Je trouve ça plus qu’honnête.”<br class="calibre4"/>J’ai regardé derrière elle et j’ai vu trois autres filles habillées plus ou moins pareil — l’uune avec des cheveux bleus, l’autre avec du vert, et la dernière en violet.<br class="calibre4"/>- “Vous êtes qui, la Brigade des Sucettes ?”<br class="calibre4"/>- “On est l’équipe qui va vous bottez le cul à Harajuku Fun Madness,” elle a dit. “Et je suis celle qui est en train d’uploader cette photo et vous plonger dans une merde telle –”<br class="calibre4"/>Derrière moi, j’ai senti Van se ruer en avant. Son école de filles était célèbre pour ses bagares, et je suis sûr qu’elle était prête à assomer la nana.</p>
<p class="calibre2">Et là, le monde a changé pour toujours. Nous l’avons d’abord senti dans nos corps, ce tangage nauséeux du béton sous nos pieds que tous les Californiens connaissent instinctivement — un tremblement de terre. Mon premier reflexe, comme toujours, a été de partir : “en cas de pépin ou de doute, courez en rond, hurlez et criez”. Mais il fallait bien admettre que nous étions déjà à l’endroit le plus sûr où nous pouvions nous trouver, et non dans un bâtiment qui aurait pu s’écrouler sur nous, ou au milieu d’une route où les fragements de ciment auraient pu nous écraser le cerveau. Les tremblements de terre sont étonnament silencieux — tout du moins au début — mais ça, ça ne l’était pas. C’était bruyant, un rugissement incroyable plus fort que quoi que ce soit que j’aie jamais entendu. Le bruit était tellement fracassant qu’il m’a fait tomber à genoux, et je n’étais pas le seul. Darryl m’a secoué le bras et a pointé du doigt au-dessus des bâtiments, et alors nous avons vu : un immense nuage noir s’élevait du nord-est, en direction de la Baie. Il y a eu un autre grondement, et le nuage de fumée s’est étalée, formant le genre de forme noire que nous avions tous vue depuis tout gosse au cinéma. Quelqu’un venait juste de faire sauter quelque chose, et pas qu’un peu. Et alors, il y a eu encore des grondements et des vibrations. Des têtes sont apparues aux fenêtres dans toute la rue. Nous avons tous regardé le champignon de fumée en silence. Et alors des sirènes se sont faites entendre. J’avais déjà entendu des sirènes comme ça avant — on teste les sirènes de la sécurité civile tous les mardis midi. Mais je ne les avais jamais entendues en dehors de l’horaire qu’au cinéma ou dans les jeux vidéo, du genre où quelqu’un bombarde quelqu’un d’autre d’en haut. Des sirènes de défense aérienne. Le son en “Ouououououuuuuuu” les rendait irréelles.<br class="calibre4"/>- “Rendez-vous aux abris immédiatement !”<br class="calibre4"/>C’était comme la voix de Dieu, venant de partout à la fois. Il y avait des haut-parleurs sur certaines des poteaux électriques, ce que je n’avais jamais remarqué avant, et ils s’étaient tous allumés d’un coup.<br class="calibre4"/>- “Rendez-vous aux abris immédiatement !”<br class="calibre4"/>Abris ? Nous nous sommes entreregardés, confus. Quels abris ? Le nuage s’élevait toujours en s’étalant. Est-ce que c’était nucléaire ? Est-ce que nous étions en train de vivre nos derniers instants ? La fille aux cheveux roses a saisi ses amis et les a traînées vers le bas de la rue, vers la stations du BART et le pied des collines.<br class="calibre4"/>- “RENDEZ-VOUS AUX ABRIS IMMÉDIATEMENT !”<br class="calibre4"/>Les gens hurlaient maintenant, et beaucoup couraient dans tous les sens. Des touristes — vous pouvez toujours repérer les touristes, ce sont ceux qui pensent que “Californie = soleil” et qui passent leurs vacances à San Francisco à se geler en bermudas et t-shirts — se dispersaient dans toutes les directions.<br class="calibre4"/>- “On devrait y aller !” a braillé Daarrly dans mon oreille, à peine audible par-dessus le meuglement des sirènes, auquel répondaient maitenant les sirèmes habituelles de la police. Une douzaine de voitures de patrouille nous ont dépassés en hurlant.<br class="calibre4"/>- “RENDEZ-VOUS AUX ABRIS IMMÉDIATEMENT !”<br class="calibre4"/>- “A la station du BART !”, ai-je hurlé<br class="calibre4"/>Mes amis ont acquiescé. Nous avons resserré les rangs et nous nous sommes mis en route pour descendre la colline.</p>
</body>
</html>