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<title>http://www.grabmybooks.com</title>
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<body class="calibre">
<h2 class="calibre1">Chapitre 17</h2>
<p class="calibre2"><i class="calibre3">Ce chapitre est dédié à Waterstone, la chaîne de librairies anglaise.<br class="calibre4"/>Waterstone au beau être une chaîne de magasins, chacun d’eux a<br class="calibre4"/>l’atmosphère d’une véritable librairie indépendante, avec sa<br class="calibre4"/>personalité bien à lui, un excellent assortiment (particulièrement<br class="calibre4"/>en audiolivres), et un personnel compétent.<br class="calibre4"/>Waterstone.</i></p>
<p class="calibre2">Et ainsi, nous lui avons raconté. J’ai trouvé ça fort plaisant, en fait.<br class="calibre4"/>Il est toujours amusant d’expliquer aux gens comment utiliser une<br class="calibre4"/>technologie. C’est tellement cool de voir les gens comprendre comment<br class="calibre4"/>la technologie qui les entoure peut améliorer leur vie. Ange était<br class="calibre4"/>brillante, aussi — nous faisions une excellente équipe. A tour de rôle,<br class="calibre4"/>nous expliquions comment tout fonctionnait. Barbara était déjà sérieusement<br class="calibre4"/>douée avec tout ça depuis le début, évidemment. Il se trouve qu’elle avait<br class="calibre4"/>couvert les Crypto Wars, la période du début des années 90 où les associations<br class="calibre4"/>de libertés civiles comme l’Electronic Frontier Foundation s’étaient battues<br class="calibre4"/>pour que les Américains aient le droit d’utiliser la cryptographie forte.<br class="calibre4"/>J’avais une vague connaissance de cette période, mais la façon dont Barbara<br class="calibre4"/>la racontait me donnait des frissons. C’est incroyable de nos jours, mais<br class="calibre4"/>il y avait eu une période où le gouvernement considérait la cryptographie<br class="calibre4"/>comme une munition de guerre, et en avait interdit l’exportation et<br class="calibre4"/>l’utilisation à quiconque, pour raisons de Sécurité Nationale. Vous<br class="calibre4"/>vous rendez compte ? Dans ce pays, il y avait eu une époque où certaines<br class="calibre4"/>mathématiques étaient interdites. La National Security Agency étaient<br class="calibre4"/>la main derrière cette interdiction. Ils avaient un standard de crypto<br class="calibre4"/>qu’ils disaient assez bon pour les banquiers et leurs clients, mais pas<br class="calibre4"/>assez fort pour que la mafia puisse garder ses comptes secrets. Ce standard,<br class="calibre4"/>DES-56, était prétendu quasiment incassable. Alors, l’un des co-fondateurs<br class="calibre4"/>de l’EFF, qui était millionnaire, avait construit un cracker de DES-56 à<br class="calibre4"/>250 000 dollars, capable de casser le chiffrement en deux heures. Malrgé<br class="calibre4"/>ça, la NSA avait persisté à dire qu’elle devrait pouvoir empêcher les<br class="calibre4"/>Américains de détenir des secrets qu’elle ne pourrait pas espionner.<br class="calibre4"/>Alors, l’EFF avait donné le coup de grâce. En 1995, ils avaient défendu<br class="calibre4"/>au tribunal un étudiant post-grad de Berkeley, Dan Bernstein. Bernstein<br class="calibre4"/>avait écrit un cours de crptographie qui contenait un code informatique<br class="calibre4"/>que l’on pouvait utiliser pour produire un chiffrement plus fort que DES-56.<br class="calibre4"/>Des millions de fois plus fort. Du point de vue de la NSA, ceci faisait de<br class="calibre4"/>son article une arme de guerre, et l’interdisait donc à la publication.<br class="calibre4"/>Eh bien, ça a beau être difficile d’expliquer la cryptographie et ses enjeux<br class="calibre4"/>à un magistrat, il se trouve que le juge de Cour d’Appel typique n’est pas<br class="calibre4"/>très enthousiaste à l’idée de réglementer quels articles des étudiants<br class="calibre4"/>port-grad peuvent ou non écrire. Les gentils avaient gagné les Crypto Wars<br class="calibre4"/>lorsque la Cour du 9ème Circuit de la Division d’Appel avaient déterminé<br class="calibre4"/>que le code était une forme d’expression protégée par le Premier Amendement –<br class="calibre4"/>« Le Congrès ne promulguera aucune loi qui empiète sur la liberté d’expression ».<br class="calibre4"/>Si vous avez jamais acheté quelque chose sur Internet, envoyé un message<br class="calibre4"/>secret, consulté la balance de votre compte en banque, nous avez utilisé de<br class="calibre4"/>la crypto que l’EFF a légalisée. Et c’est une bonne chose : la NSA n’est pas<br class="calibre4"/>tellement maline ; si elle peut craquer quelque chose, on peut être sûr<br class="calibre4"/>que les terroristes et la mafia y arrivent aussi.</p>
<p class="calibre2">Barbara avait été l’un des reporters qui s’étaient fait une réputation en<br class="calibre4"/>couvrant ces questions. Elle avait fait ses premières armes en couvrant<br class="calibre4"/>les derniers combats des mouvements de droits civils à San Francisco, et<br class="calibre4"/>avait fait le rapport entre les luttes pour la Constitution dans le monde<br class="calibre4"/>réel et dans le cyberspace. De sorte qu’elle comprenait. Je ne pense pas<br class="calibre4"/>que j’aurais pu expliquer tout ça à mes parents, mais avec Barbara c’était<br class="calibre4"/>facile. Elle posait des questions intelligentes sur nos protocoles<br class="calibre4"/>cryptographiques et les procédures de sécurité, parfois des questions<br class="calibre4"/>dont je ne connaissais pas les réponses — parfois même elle signalait<br class="calibre4"/>des défauts potentiels dans nos procédures. Nous avons branché la Xbox<br class="calibre4"/>et l’avons mise en ligne. Il y avait quatre noeuds WiFi visibles depuis<br class="calibre4"/>la salle de conférence et j’ai configuré des changements entre<br class="calibre4"/>eux à intervalles aléatoires. Elle comprenait ça aussi — une fois qu’on<br class="calibre4"/>était branché sur Xnet, c’était comme être sur Internet, à ceci près que<br class="calibre4"/>certaines choses prenaient un peu plus de temps, et que tout était<br class="calibre4"/>anonyme et impossible à tracer.<br class="calibre4"/>- Et maintenant, quoi ?, ai-je demandé en m’étirant.<br class="calibre4"/>J’avais parlé à en avoir la gorge sèche et j’avais un goût acide terrible<br class="calibre4"/>à cause du café. D’autre part, Ange me serrait la main sous la table<br class="calibre4"/>constamment d’une façon qui me donnait terriblement envie de partir<br class="calibre4"/>chercher un endroit tranquille où nous réconcilier de notre première<br class="calibre4"/>dispute.<br class="calibre4"/>- Maintenant, je vais faire mon enquête de journaliste. Vous allez<br class="calibre4"/>partir d’ici et je vais vérifier tout ce que vous m’avez dit pour<br class="calibre4"/>le confirmer dans la mesure du possible. Je vous ferai relire ce que<br class="calibre4"/>je me préparerai à publier et je vous dirai quand ça sortira. Je<br class="calibre4"/>préfèrerais que vous ne parliez de ça à personne à partir de maintenant,<br class="calibre4"/>parce que je veux l’exclusivité et parce que je veux être sûre d’être<br class="calibre4"/>prêt à sortir l’histoire avant qu’elle ne devienne illisible à force<br class="calibre4"/>de spéculations dans la presse et de propagande du DSI. Je vais<br class="calibre4"/>devoir demander les commentaires du DSI avant de mettre sous presse,<br class="calibre4"/>mais je le ferai de façon à vous protéger autant que ce sera possible.<br class="calibre4"/>Je vous préviendrai aussi avant que ça ne se passe. Une chose sur<br class="calibre4"/>laquelle je veux être très claire : ce n’est plus votre histoire.<br class="calibre4"/>C’est la mienne. Vous avez été très généreux de m’en faire cadeau, et<br class="calibre4"/>j’essayerai de bien vous traiter en remerciement, mais vous n’avez<br class="calibre4"/>aucun droit à retirer quelque chose, à le changer ou à m’arrêter. La<br class="calibre4"/>machine est maintenant lancée et rien ne l’arrêtera plus. Est-ce que<br class="calibre4"/>vous me comprenez ?</p>
<p class="calibre2">Je n’y avais pas pensé en ces termes mais dit comme ça, c’était évident.<br class="calibre4"/>Cela signifiait que le lancement s’était effectué et que je ne pourrais<br class="calibre4"/>plus rappeler ma fusée. Elle tomberait sur son objectif, ou peut-être<br class="calibre4"/>dévierait-elle, mais elle était partie et rien n’y changerait quoi que<br class="calibre4"/>ce soit. Dans un moment proche, j’arrêterais d’être Marcus — je deviendrais<br class="calibre4"/>un personnage public. Je serais le type qui aurait dénoncé le DSI. Je<br class="calibre4"/>serais un mort sur pieds. Je suppose qu’Ange défléchissait dans les mêmes<br class="calibre4"/>termes, parce qu’elle a pris une teinte vert clair.<br class="calibre4"/>- Sortons d’ici, a-t-elle enjoint.</p>
<p class="calibre2">La mère d’Ange et sa soeur étaient de sortie encore une fois, ce qui nous<br class="calibre4"/>a rendu facile le choix d’où aller pour la soirée. L’heure du repas était<br class="calibre4"/>dépassée, mais mes parents savaient que j’avais rendez-vous avec Barbara<br class="calibre4"/>et ne tiendraient pas rigueur de rentrer tard. Quand nous sommes arrivés<br class="calibre4"/>chez Ange, je n’ai pas ressenti le besoin de brancher ma Xbox. J’avais eu<br class="calibre4"/>tout le Xnet que je pouvais supporter pour la journée. Tout ce à quoi<br class="calibre4"/>je pouvais penser, c’était Ange, Ange, Ange. La vie sans Ange. Savoir<br class="calibre4"/>Ange fâchée après moi. Ange qui ne me parlerait plus jamais. Ange qui ne<br class="calibre4"/>m’embrasserait plus jamais. Elle avait pensé la même chose. Je le<br class="calibre4"/>voyais dans ses yeux comme nous fermions la porte de sa chambre et nous<br class="calibre4"/>entre-regardions. J’avais faim d’elle, comme on a faim après être resté<br class="calibre4"/>des jours sans manger. Comme on a soif d’eau après trois heures de rugby<br class="calibre4"/>sans arrêter. Comme rien de tout ça. C’était plus. C’était quelque chose<br class="calibre4"/>que je n’avais jamais ressenti. J’avais envie de l’engloutir toute entière,<br class="calibre4"/>de la dévorer. Jusqu’à ce point, c’était elle qui avait pris l’initiative<br class="calibre4"/>sur le plan sexuel de notre relation. Je l’avais laissée choisir et<br class="calibre4"/>déterminer le rythme. Il était étonnamment érotique qu’elle me saisisse<br class="calibre4"/>et qu’elle m’enlève ma chemise, qu’elle attire mon visage au sien. Mais<br class="calibre4"/>cette nuit je ne pouvais pas me retenir. Je ne voulais pas me retenir.<br class="calibre4"/>La porte a cliqué en se refermant et j’ai saisi le bord de son t-shirt<br class="calibre4"/>en tirant, lui laissant à peine le temps de lever les bras comme je le<br class="calibre4"/>tirais par-dessus sa tête. J’ai jeté mon propre chemise par-dessus ma tête,<br class="calibre4"/>en entendant le coton craquer et les coutures céder. Ses yeux brillaient, sa<br class="calibre4"/>bouche outre-ouverte, son souffle court et léger. Le mien l’était aussi,<br class="calibre4"/>ma respiration, mon coeur et mon sang rugissaient dans mes oreilles. J’ai<br class="calibre4"/>arraché le reste de nos vêtements avec la même impétuosité et les ai jetés<br class="calibre4"/>dans les piles de linge propre et sale sur le sol. Il y avait des livres et<br class="calibre4"/>des papiers sur tout le lit, que j’ai écartés d’un revers de bras. Une seconde<br class="calibre4"/>plus tard nous sommes atterris sur les draps défaits, enlacés, nous serrant<br class="calibre4"/>comme si nous voulions nous tirer l’un à travers l’autre. Elle a gémit dans<br class="calibre4"/>ma bouche et j’ai répondu, en sentant sa voix résonner dans mes cordes vocales,<br class="calibre4"/>une sensation plus intime que j’aie jamais ressenti auparavant. Elle s’est<br class="calibre4"/>dégagée et a tendu le bras vers la table de nuit. Elle a ouvert le tiroir et<br class="calibre4"/>a lancé un petit sac de pharmacie sur le lit devant moi. J’ai regardé dedans.<br class="calibre4"/>Des préservatifs. Trojan. Douze, spermicides. Toujours sous cellophane. Je<br class="calibre4"/>lui ai souri et elle m’a souri en retour comme j’ouvrais la boite.</p>
<p class="calibre2">Pendant des années, j’avais pensé à comment ça serait. Chaque jour, cent<br class="calibre4"/>fois je l’avais imaginé. Certains jours, je n’avais pensé à pratiquement<br class="calibre4"/>rien d’autre. Ca ne ressemblait à rien à quoi je n’étais attendu. Par<br class="calibre4"/>certains côtés, c’était encore mieux. Par d’autres, c’était bien pire. Sur<br class="calibre4"/>le moment, ça m’a semblé une éternité. Après, ça m’a paru s’être passé<br class="calibre4"/>en un clin d’oeil. Après, je me sentais comme avant. Mais je me sentais<br class="calibre4"/>aussi différent. Quelque chose avait changé entre nous. C’était étrange.<br class="calibre4"/>Nous avons tous les deux été pudiques en remettant nos vêtements et en<br class="calibre4"/>circulant dans la pièce, regards au sol, en évitant de nous regarder dans<br class="calibre4"/>les yeux. J’ai emballé le préservatif dans un kleenex trouvé dans une boite<br class="calibre4"/>derrière le lit, l’ai emporté dans la salle de bain, emballé de papier<br class="calibre4"/>hygiénique et enfoncé profond dans la poubelle. Quand je suis revenu, Ange<br class="calibre4"/>était assise sur le lit et jouait avec sa Xbox. Je me suis assis doucement<br class="calibre4"/>à côté d’elle et lui ai pris la main. Elle a tourné son visage vers le mien<br class="calibre4"/>et m’a souri. Nous étions tous deux exténués, tremblants.<br class="calibre4"/>- Merci, a-t-elle dit.<br class="calibre4"/>Je n’ai rien répondu. Elle m’a regardé bien en face. Son sourire était<br class="calibre4"/>immense, mais de grosse larmes roulaient sur ses joues. Je l’ai serrée<br class="calibre4"/>contre moi et elle m’a aggripé.<br class="calibre4"/>- Tu es un homme bien, Marcus Yallow, a-t-elle murmuré. Merci.<br class="calibre4"/>Je ne savais pas quoi dire, mais je l’ai serrée dans mes bras aussi. Finalement,<br class="calibre4"/>nous nous sommes séparés. Elle ne pleurait plus, mais elle souriait toujours.<br class="calibre4"/>Elle a pointé ma Xbox du doigt, sur le sol à côté du lit. J’ai compris le<br class="calibre4"/>message. Je l’ai ramassée, branchée et je me suis connecté. Toujours le même<br class="calibre4"/>genre de choses. Beaucoup de emails. Les nouveaux billets des blogs que je<br class="calibre4"/>suivais ont défilé. Du spam. Mon Dieu combien de spam je recevais. Ma boite<br class="calibre4"/>suédoise était souvent utilisée comme adresse de retour pour du spam envoyé<br class="calibre4"/>à des millions de comptes sur Internet, et tous les messages d’absence et<br class="calibre4"/>les plaintes me revenaient à moi. Je ne savais pas qui faisait ça. Peut-être<br class="calibre4"/>le DSI essayait-il de submerger ma boite aux lettres. Peut-être n’était-ce<br class="calibre4"/>qu’une blague. Néanmoins, le Parti Pirate avait de bons filtres, et comme<br class="calibre4"/>ils offraient 500 gigabytes d’espace disque à quiconque le demandait, je ne<br class="calibre4"/>serais pas débordé au sens littéral avant un bon moment. J’ai filtré tout<br class="calibre4"/>ça, en frappant la touche “Delete” de façon répétée.</p>
<p class="calibre2">J’avais une boite distincte pour le matériel qui arrivait encrypté avec ma<br class="calibre4"/>clef publique, puisque c’était probablement lié à Xnet et sûrement sensible.<br class="calibre4"/>Les spammers n’avaient pas encore compris que leurs mails publicitaires<br class="calibre4"/>auraient eu l’air plus palusible encryptés, de sorte que pour le moment<br class="calibre4"/>ça marchait bien. Il y avait quelques douzaines de messages chiffrés de membres<br class="calibre4"/>de notre réseau de confiance. Je les ai lus rapidement — des liens vers des<br class="calibre4"/>vidéos ou des photos de violences du DSI, des histoires à faire frémir de<br class="calibre4"/>gens qui s’échappaient de justesse, des commentaires sur ce que j’avais<br class="calibre4"/>blogué. Rien que d’habituel. Puis je suis tombé sur un message qui n’était<br class="calibre4"/>encrypté qu’avec ma clef publique. Ca voulait dire que personne d’autre<br class="calibre4"/>n’aurait pu le lire, mais que je n’avais aucune idée de qui l’avait écrit.<br class="calibre4"/>Il prétendait venir de Masha, qui aurait aussi bien pu être un nom qu’un<br class="calibre4"/>pseudonyme — impossible à déterminer.</p>
<p class="calibre2">> M1k3y,<br class="calibre4"/>> tu ne me connais pas, mais moi je te connais.<br class="calibre4"/>> j’ai été arrêtée le jour où le pont a sauté. Ils m’ont<br class="calibre4"/>> interrogée. Ils ont décidé que j’étais innocente. Alors<br class="calibre4"/>> ils m’ont proposé un travail : les aider à traquer les<br class="calibre4"/>> terroristes qui avaient assassiné mes voisins.<br class="calibre4"/>> Ca semblait un bon arrangement à l’époque. Je n’aurais<br class="calibre4"/>> pas imaginé que mon vrai travail serait d’espionner des<br class="calibre4"/>> gamins qui prenaient mal que leur ville se transforme en<br class="calibre4"/>> Etat policier.<br class="calibre4"/>> J’ai infiltré le Xnet le jour même de son lancement. Je<br class="calibre4"/>> suis dans ton réseau de confiance. Si je voulais trahir<br class="calibre4"/>> mon identité, je pourrais t’envoyer un mail depuis une<br class="calibre4"/>> adresse en laquelle tu as confiance. Trois adresses, en<br class="calibre4"/>> fait. Je suis totalement intégrée à ton réseau comme<br class="calibre4"/>> seule pourrait l’être un ado de 17 ans. Certains des<br class="calibre4"/>> mails que tu as reçus contiennent de l’intoxication<br class="calibre4"/>> soigneusement choisie par moi et mes officiers traitants.<br class="calibre4"/>> Ils ne savent pas qui tu es, mais ils se rapprochent.<br class="calibre4"/>> Ils continuent à brûler des gens et les retourner.<br class="calibre4"/>> Ils minent les réseaux sociaux et menacent des gosses<br class="calibre4"/>> pour en faire des informateurs. Il y a des centaines<br class="calibre4"/>> de gens qui travaillent pour le DSI à l’intérieur<br class="calibre4"/>> de Xnet en ce moment même. J’ai leurs noms, leurs<br class="calibre4"/>> pseudos et leurs clefs. Privées comme publiques.<br class="calibre4"/>> Dans les jours mêmes qui ont suivi le lancement<br class="calibre4"/>> du Xnet, nous avons travaillé à des failles de<br class="calibre4"/>> sécurité dans ParanoidLinux. Pour le moment elles<br class="calibre4"/>> sont limitées et sans conséquences, mais une<br class="calibre4"/>> pénétration est inévitable. Le jour où nous avons<br class="calibre4"/>> un trou de sécurité expoitable instantanément, tu<br class="calibre4"/>> es grillé.<br class="calibre4"/>> Je pense qu’on peut raisonnablement dire que si mes<br class="calibre4"/>> officiers traitants savaient que je suis en train de<br class="calibre4"/>> taper ceci, ils me garderaient dans un cul-de-bas-de-fosse<br class="calibre4"/>> à Guantanamo-sur-la-Baie jusqu’à ce que je sois une<br class="calibre4"/>> vieille femme.<br class="calibre4"/>> Quand bien même ils ne casseraient pas ParanoidLinux,<br class="calibre4"/>> il y a des versions de ParanoidLinux empoisonnées qui<br class="calibre4"/>> traînent partout. Les hachages de contrôlent ne<br class="calibre4"/>> correspondent pas, mais combien de gens vérifient<br class="calibre4"/>> les checksums ? En dehors de toi et moi ? Plein de ces<br class="calibre4"/>> gosses sont déjà morts, même s’ils n’en savent rien.<br class="calibre4"/>> Tout ce reste à faire pour mes officiers traitants,<br class="calibre4"/>> c’est déterminer le meilleur moment où t’arrêter pour<br class="calibre4"/>> que ça ait le meilleur impact possible dans les médias.<br class="calibre4"/>> Et ça arrivera plus tôt que tard. Crois-moi.<br class="calibre4"/>> Tu te demandes probablement pourquoi je te raconte<br class="calibre4"/>> tout ça.<br class="calibre4"/>> Moi aussi.<br class="calibre4"/>> Voici ce que je suis : je me suis engagée pour traquer<br class="calibre4"/>> des terroristes ; au lieu de ça, je me retrouve à espionner<br class="calibre4"/>> des Américains dont les opinions politiques déplaisent<br class="calibre4"/>> au DSI. Pas des gens qui complotent de faire sauter des<br class="calibre4"/>> ponts, mais des manifestants. Je ne peux pas continuer.<br class="calibre4"/>> Mais toi non plus, que ça te plaise ou non. Comme je<br class="calibre4"/>> disais, ce n’est qu’une question de temps avant que tu<br class="calibre4"/>> te retrouves couvert de chaînes sur Treasure Island.<br class="calibre4"/>> La question n’est pas si ça va arriver, mais quand.<br class="calibre4"/>> Alors j’en ai assez. Quelque part dans Los Angeles,<br class="calibre4"/>> il y a des gens. Ils disent qu’ils peuvent me<br class="calibre4"/>> garder en sécurité si je veux sortir d’ici.<br class="calibre4"/>> Je veux sortir d’ici.<br class="calibre4"/>> Je t’embarque, si tu veux venir aussi. Mieux vaut être<br class="calibre4"/>> un combattant qu’un martyr. Si tu veux venir avec moi,<br class="calibre4"/>> nous pourrons trouver une façon de triompher ensemble.<br class="calibre4"/>> Je suis bien autant intelligente que toi. Crois-moi.<br class="calibre4"/>> Qu’est-ce que tu en dis ?<br class="calibre4"/>> Voici ma clef publique.<br class="calibre4"/>> Masha.</p>
<p class="calibre2">En cas de doute, courir en cercle, crier et hurler. Vous connaissez ça ?<br class="calibre4"/>Ca n’est pas un très bon conseil, mais au moins c’est facile à suivre.<br class="calibre4"/>J’ai bondi du lit et j’ai marché de long en large. Mon coeur battait la<br class="calibre4"/>chamade et mon sang chantant en une cruelle parodie de la façon dont je<br class="calibre4"/>m’étais senti quand nous étions rentrés. Ceci n’était pas de l’excitation<br class="calibre4"/>sexuelle, mais de la pure terreur.<br class="calibre4"/>- Quoi, a demandé Ange. Quoi ?<br class="calibre4"/>J’ai montré du doigt l’écran de mon côté du lit. Elle s’est roulée, a<br class="calibre4"/>attrapé mon clavier et a effleuré le touchpad du bout de ses doigts.<br class="calibre4"/>Elle a lu en silence. Je faisais les cent pas.<br class="calibre4"/>- Ce doit être des mensonges, a-t-elle dit. Le DSI essaye de te faire paniquer.<br class="calibre4"/>Je l’ai regardée. Elle se mordait la lèvre. Elle n’avait pas l’air d’y croire.<br class="calibre4"/>- Tu penses ?<br class="calibre4"/>- Sûr. Ils ne peuvent pas t’avoir, alors ils essayent en utilisant Xnet.<br class="calibre4"/>- Mouais.<br class="calibre4"/>Je me suis rassis sur le lit. J’hyperventilais de nouveau.<br class="calibre4"/>- Décontracte-toi, a-t-elle dit. C’est juste de l’intox. Regarde.<br class="calibre4"/>Elle ne m’avait jamais pris mon clavier auparavant, mais il y avait<br class="calibre4"/>une nouvelle sorte d’intimité entre nous. Elle a cliqué Répondre, et tapé:<br class="calibre4"/>> Bien essayé.<br class="calibre4"/>Elle écrivait au nom de M1k3y, maintenant, aussi. Nous étions ensemble<br class="calibre4"/>d’une façon différente d’avant.<br class="calibre4"/>- Vas-y, signe. On verra bien ce qu’elle répond.<br class="calibre4"/>Je ne savais pas si c’était la meilleure idée possible, mais je n’en n’avais pas<br class="calibre4"/>de meilleure. J’ai signé et encrypté avec ma clef privée et avec la clef publique<br class="calibre4"/>que Masha avait fournie. La réponse a été instantanée.</p>
<p class="calibre2">> Je me doutais que tu dirais quelque chose de ce genre.<br class="calibre4"/>> Alors voici un hack auquel tu n’as pas pensé. Je peux<br class="calibre4"/>> établir un tunnel anonyme pour passer de la vidéo par<br class="calibre4"/>> DNS. Voici quelques liens vers des clips que tu pourrais<br class="calibre4"/>> vouloir voir avant de décider que je raconte n’importe<br class="calibre4"/>> quoi. Ces gens s’enregistrent les uns les autres, tout<br class="calibre4"/>> le temps, pour se prémunir contre une trahison. C’est<br class="calibre4"/>> facile de les mettre sur écoute quand ils s’écoutent<br class="calibre4"/>> les uns les autres.<br class="calibre4"/>> Masha.</p>
<p class="calibre2">En pièce jointe, il y avait le code source d’un petit programme qui avait<br class="calibre4"/>l’air de faire exactement ce que Masha prétendait : télécharger de la vidéo<br class="calibre4"/>à travers le protocole du Domain Name Service. Je vais donner un peu de<br class="calibre4"/>contexte et expliquer quelque chose. En dernière analyse, tout protocole<br class="calibre4"/>Internet n’est qu’une séquence de texte envoyée deci delà selon l’ordre<br class="calibre4"/>préscrit. C’est un peu comme prendre un camion, y faire rentrer une voiture,<br class="calibre4"/>mettre une motocyclette dans le coffre de la voiture, attacher un vélo à<br class="calibre4"/>la moto, et accrocher des patins à roulette sur le vélo. Sauf que là, c’est<br class="calibre4"/>comme si on pouvait aussi bien accrocher le camion aux patins à roulette.<br class="calibre4"/>Par exemple, prenons le Simple Mail Transport Protocol, ou SMTP, qui<br class="calibre4"/>s’utilise pour envoyer des e-mails. Voici un exemple de conversation entre<br class="calibre4"/>moi et le serveur mail, si je m’envoyais un message à moi-même:</p>
<p class="calibre2">> HELO littlebrother.com.se<br class="calibre4"/>250 mail.pirateparty.org.se Hello mail.pirateparty.org.se, pleased to meet you<br class="calibre4"/>> MAIL FROM:[email protected]<br class="calibre4"/>250 2.1.0 [email protected]… Sender ok<br class="calibre4"/>> RCPT TO:[email protected]<br class="calibre4"/>250 2.1.5 [email protected]… Recipient ok<br class="calibre4"/>> DATA354<br class="calibre4"/>Enter mail, end with “.” on a line by itself<br class="calibre4"/>> When in trouble or in doubt, run in circles, scream and shout<br class="calibre4"/>> .<br class="calibre4"/>250 2.0.0 k5SMW0xQ006174 Message accepted for deliveryQUIT221 2.0.0<br class="calibre4"/>mail.pirateparty.org.se closing connection<br class="calibre4"/>Connection closed by foreign host.</p>
<p class="calibre2">La grammaire de cette conversation a été définie en 1982 par Jon Postel,<br class="calibre4"/>l’un des héroïques pères fondateurs d’Internet, qui l’a utilisé pour faire<br class="calibre4"/>tourner ce qui était littéralement les plus importants des serveurs d’Internet<br class="calibre4"/>sous son bureau à l’université de Southern California, du temps de l’ère<br class="calibre4"/>paléolithique.</p>
<p class="calibre2">Maintenant, imaginons que nous connections un serveur mail à une session de chat.<br class="calibre4"/>Vous pourriez envoyer un message chat au serveur qui dirait<br class="calibre4"/>“HELO littlebrother.com.se”<br class="calibre4"/>et il répondrait<br class="calibre4"/>“250 mail.pirateparty.org.se Hello mail.pirateparty.org.se, pleased to meet you.”<br class="calibre4"/>En d’autres termes, on pourrait avoir la même conversation par chat que l’on<br class="calibre4"/>a par SMTP. Avec les bons bidouillages, tout le système de serveur mail pourrait<br class="calibre4"/>se dérouler à l’intérieur d’un chat. Ou d’une session web. Ou n’importe quoi d’autre.<br class="calibre4"/>C’est ce que l’on appelle le “tunelling”. Vous mettez le SMTP à l’intérieur d’un<br class="calibre4"/>“tunnel” de messagerie instantanée. Vous pourriez ensuite repasser le chat à<br class="calibre4"/>l’intérieur d’un tunnel SMTP, si vous vouliez que ça soit vraiment bizarre,<br class="calibre4"/>tunnellant le tunnel dans un autre tunnel. En fait, tout protocole Internet est<br class="calibre4"/>susceptible de ce processus. C’est pratique, parce que si l’on est sur un<br class="calibre4"/>réseau qui n’autorise que l’accès Web, on peut tunneller son mail dessus.<br class="calibre4"/>On peut tunneller son peer-to-peer préféré. On peut même tunneller Xnet —<br class="calibre4"/>qui est lui-même un tunnel pour des dizaines de protocoles — dessus.</p>
<p class="calibre2">Le Domain Name Service est un protocole Internet ancien et intéressant, qui<br class="calibre4"/>remonte à 1983. C’est la façon dont votre ordinateur converti le nom d’un<br class="calibre4"/>ordinateur — comme pirateparty.org.se — en une adresse IP que les ordinateurs<br class="calibre4"/>utilisent en réalité pour se parler les uns aux autres à travers Internet, comme<br class="calibre4"/>204.11.50.136. De façon générale, ça marche comme sur des roulettes, bien qu’il<br class="calibre4"/>y ait des millions de rouages — chaque fournisseur d’accès à Internet fait tourner<br class="calibre4"/>son propre serveur DNS, tout comme la plupart des gouvernements et beaucoup d’opérateurs<br class="calibre4"/>privés. Ces machines DNS se parlent constamment les unes aux autres, s’envoyant des<br class="calibre4"/>requêtes et y répondant de façon à ce que quelqu’obscur que soit le nom que vous<br class="calibre4"/>fournissez à votre ordinateur, il soit en mesure de le traduire en un nombre.<br class="calibre4"/>Avant le DNS, il existait le fichier HOSTS. Croyez-le ou non, il y avait un<br class="calibre4"/>unique document qui donnait la liste des noms et des adresses de chaque ordinateur<br class="calibre4"/>connecté à Internet. Chaque ordinateur en avait une copie. Ce fichier a fini par<br class="calibre4"/>devenir trop gros à utiliser, alors on a inventé le DNS et on l’a fait tourner<br class="calibre4"/>sur le serveur qui vivait sous le bureau de Jon Postel. Il le personnel de nettoyage<br class="calibre4"/>avait trébuché sur la prise, tout Internet aurait perdu la capacité de se retrouver<br class="calibre4"/>lui-même. Ca n’est pas une blague. De nos jours, le DNS est omniprésent : chaque<br class="calibre4"/>réseau a le sien, et tous ces serveurs sont configurés pour se parler entre eux et<br class="calibre4"/>à tout utilisateur d’Internet.</p>
<p class="calibre2">Ce que Masha avait réalisé, c’était une façon de passer un système de streaming<br class="calibre4"/>vidéo dans un tunnel DNS. Elle avait découpé la vidéo en milliards de petites<br class="calibre4"/>morceaux et les avait cachés dans des messages DNS normaux. En faisant tourner<br class="calibre4"/>son code, je pouvais télécharger la vidéo de tous ces serveurs DNS, à travers<br class="calibre4"/>tout Internet, à une vitesse incroyable. Ca devait avoir l’air étrange sur les<br class="calibre4"/>histogrammes de réseaux, comme si je cherchais l’adresse de tous les ordinateurs<br class="calibre4"/>du monde. Mais ça avait deux avantages que j’ai tout de suite appréciés : je<br class="calibre4"/>pouvais récupérer la vidéo en un clin d’oeil — à peine avais-je cliqué sur le<br class="calibre4"/>premier lien, je recevais des images en plein écran, sans saccades ni<br class="calibre4"/>interruptions — et je n’avais pas la moindre idée d’où elle était<br class="calibre4"/>hébergée. C’était totalement anonyme. Au premier abord, je n’ai même pas<br class="calibre4"/>compris le contenu de la vidéo. J’étais totalement bluffé par l’intelligence<br class="calibre4"/>de ce hack. Streamer de la vidéo sur du DNS ? C’était tellement malin et<br class="calibre4"/>original que c’en était pratiquement pervers. Graduellement, j’ai commencé<br class="calibre4"/>à comprendre ce que je voyais. C’était une table de conférence dans une petite<br class="calibre4"/>salle dont un miroir recouvrait tout l’un des murs. J’avais été assis dans<br class="calibre4"/>cette pièce: c’est là que Coupe-à-la-Serpe m’avait fait réciter mon mot de<br class="calibre4"/>passe à haute voix. Il y avait cinq sièges confortables autour de la table,<br class="calibre4"/>chacun avec une personne bien installée, tous en uniforme du DSI. J’ai<br class="calibre4"/>reconnu le Généralde Corps d’Armée Graeme Sutherland, commandant du DSI dans<br class="calibre4"/>la zone de la Baie, ainsi que Coupe-à-la-Serpe. Les autres étaient de nouveaux<br class="calibre4"/>venus pour moi. Ils regardaient tous l’écran vidéo au bout de la table, sur<br class="calibre4"/>lequel apparaissait un visage infiniement plus familier. Kurt Rooney était<br class="calibre4"/>connu dans tout le pays pour être le stratège en chef du Président, l’homme qui<br class="calibre4"/>avait fait réélire le Parti pour son troisième mandat, et qui se dirigeait vers<br class="calibre4"/>un quatrième. On l’appelait “Sans Pitié” et j’avais vu un jour des reportages<br class="calibre4"/>sur la main de fer de laquelle il tenait ses employés, leur téléphonant, leur<br class="calibre4"/>envoyant des messages par chat, scrutant chacun de leurs mouvements, contrôlant<br class="calibre4"/>toutes leurs actions. Il était vieux, avec un visage ridé, des yeux gris pâles<br class="calibre4"/>et un nez applati avec de larges narines frémissantes et des lèvres fines, un<br class="calibre4"/>homme qui avait l’air de sentir en permanence une mauvaise odeur.<br class="calibre4"/>C’était l’homme sur l’écran. Il parlait, et tous les autres fixaient l’écran,<br class="calibre4"/>chacun prenant des notes aussi vite qu’ils pouvaient taper, essayant de briller<br class="calibre4"/>à ses yeux.<br class="calibre4"/>- … disent que l’autorité les met en colère, mais nous devons montrer au<br class="calibre4"/>pays que ce sont les terroristes, et non le gouvernement, dont ils devraient<br class="calibre4"/>se plaindre. Vous avez compris ? La nation n’a pas d’amour pour cette ville.<br class="calibre4"/>Pour autant qu’elle en ait quelque chose à faire, c’est une Sodome et Gomorhe<br class="calibre4"/>de pédés et d’athées qui ne méritent que de rôtir en enfer. La seule raison<br class="calibre4"/>pour laquelle le pays s’intéresse à ce qui se dit à San Francisco, c’est parce<br class="calibre4"/>qu’ils ont eu la bonne fortune de se faire faire sauter par des terroristes<br class="calibre4"/>islamistes. Ces mouflets du Xnet approchent du point où ils finiront par nous<br class="calibre4"/>être utiles. Plus ils se radicalisent, plus le reste de la nation comprendra<br class="calibre4"/>que le danger est partout.</p>
<p class="calibre2">Son audience a cessé de taper.<br class="calibre4"/>- Nous pouvons contrôler ça, je pense, a dit Coupe-à-la-Serpe. Nous homme<br class="calibre4"/>à l’intérieur du Xnet se sont constitué un influence considérable. Les<br class="calibre4"/>bloggeurs mandchouriens font tourner jusqu’à cinquante blogs chacun,<br class="calibre4"/>saturent les canaux de chat, s’entrent-publient leurs liens respectifs,<br class="calibre4"/>essentiellement en suivant la ligne de parti définie par ce M1k3y. Mais<br class="calibre4"/>ils ont déjà démontré qu’ils pouvaient provoquer une action radicale, même<br class="calibre4"/>lorsque M1k3y essaye de calmer les choses.</p>
<p class="calibre2">Le Général Sutherland a acquiescé.<br class="calibre4"/>- Notre plan est de les garder discrets jusqu’à un mois après les élections<br class="calibre4"/>de mi-mandat. C’était notre plan à l’origine. Mais il semble…<br class="calibre4"/>- Nous avons d’autres idées pour les élections, a fait Rooney. C’est strictement<br class="calibre4"/>confidentiel, évidemment, mais vous devriez probablement éviter tous éviter<br class="calibre4"/>de voyager le mois qui précédera. Lâchez le Xnet dès maintenant, aussitôt que<br class="calibre4"/>possible. Tant qu’ils restent modérés, ils nous causent du tort. Forcez-les<br class="calibre4"/>à se radicaliser.</p>
<p class="calibre2">La vidéo s’est terminée. Ange et moi nous sommes assis sur le lit, en regardant<br class="calibre4"/>l’écran. Ange s’est baissée et a relancé la vidéo. Nous l’avons regardée. C’était<br class="calibre4"/>encore pire la seconde fois.<br class="calibre4"/>J’ai écarté le clavier et je me suis levé.<br class="calibre4"/>- J’en ai assez d’avoir peur. Apportons ça à Barbara et qu’elle publie tout !<br class="calibre4"/>Mettons-le sur Internet. Qu’ils me fassent disparaître. Au moins que saurai<br class="calibre4"/>ce qui m’arrivera. Au moins j’aurai un minimum de certitude dans ma vie !</p>
<p class="calibre2">Ange m’a agrippé, m’a serré dans ses bras et m’a bercé.<br class="calibre4"/>- Je sais, chéri, je sais. C’est terrible. Mais tu te concentres sur ce qui ne<br class="calibre4"/>va pas et tu ignores le bon côté des choses. Tu as créé un mouvement. Tu as<br class="calibre4"/>dépassé les abrutis de la Maison Blanche, les escrocs en uniforme du DSI. Tu<br class="calibre4"/>t’es mis en position de mettre au grand jour toute la corruption du DSI. Bien<br class="calibre4"/>sûr qu’ils te pourchassent. Evidemment. Tu es aurais douté une seconde ? J’ai<br class="calibre4"/>toujours compté qu’ils le faisaient. Mais Marcus, n’oublie pas qui tu es.<br class="calibre4"/>Pense à ça. Tous ces hommes, ce fric, les flingues et les espions, et toi,<br class="calibre4"/>un lycéen en dix-sept ans, tu les bas à plate couture. Ils ne savent rien à<br class="calibre4"/>propos de Barbara. Ils ne savent rien sur Zeb. Tu leur as brouillé leurs systèmes<br class="calibre4"/>dans les rues de San Francisco et tu les as humiliés à la face du monde entier.<br class="calibre4"/>Alors cesse de t’appitoyer, d’accord ? Tu tiens la victoire.<br class="calibre4"/>- Mais ils sont sur le point de m’avoir. Tu as bien vu. Ils vont le jeter en<br class="calibre4"/>prison pour toujours. Même pas en prison. Ils me feront simplement disparaître,<br class="calibre4"/>comme Darryl. Peut-être encore pire. Peut-être qu’ils m’enverront en Syrie.<br class="calibre4"/>Pourquoi est-ce qu’ils me laisseraient à San Francisco ? Je suis une épine dans<br class="calibre4"/>leur pied tant que je suis aux USA.<br class="calibre4"/>Elle s’est assise sur le lit à mes côtés.<br class="calibre4"/>- Ouais, a-t-elle répondu, il y a ça.<br class="calibre4"/>- Il y a ça.<br class="calibre4"/>- Bon, tu sais ce qui nous reste à faire, n’est-ce pas ?<br class="calibre4"/>- Quoi ?<br class="calibre4"/>Elle a désigné le clavier du regard. Je voyais des larmes rouler sur ses joues.<br class="calibre4"/>- Non ! Tu es cinglée ! Tu penses que je vais m’enfuir avec je ne sais quelle<br class="calibre4"/>folle rencontrée sur Internet ? Une espionne ?<br class="calibre4"/>- Tu as mieux à proposer ?<br class="calibre4"/>J’ai envoyé une pile de linge en l’air d’un coup de pied.<br class="calibre4"/>- Très bien. Tout ce que tu voudras. Je vais lui parler.<br class="calibre4"/>- Parle-lui, a dit Ange. Dis-lui que toi et ta copine allez partir.<br class="calibre4"/>- Quoi ?<br class="calibre4"/>- Ferme-là, Ducon. Tu te crois en danger ? Je suis tout autant en danger,<br class="calibre4"/>Marcus. Ca s’appelle complicité. Si tu plonges, je plonge.<br class="calibre4"/>Son menton protubérait à un angle menaçant.<br class="calibre4"/>- Toi et moi — on est dedans ensemble, maintenant. Tu dois te mettre ça dans le<br class="calibre4"/>crâne.<br class="calibre4"/>Nous nous sommes assis ensemble sur le lit.<br class="calibre4"/>- A moins que tu ne veuilles pas de moi, a-t-elle dit au bout d’un moment,<br class="calibre4"/>d’une toute petite voix.<br class="calibre4"/>- Tu plaisantes, n’est-ce pas ?<br class="calibre4"/>- Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ?<br class="calibre4"/>- En aucun pas je ne partirais volontairement sans toi, Ange. Je ne t’aurais<br class="calibre4"/>jamais demandé de venir, mais je suis extatique que tu aies proposé.</p>
<p class="calibre2">Elle a souri et m’a lancé mon clavier.<br class="calibre4"/>- Envoie un mail à cette créature de Masha. Voyons ce que cette nana peut faire<br class="calibre4"/>pour nous.</p>
<p class="calibre2">J’ai rédigé un mail, encrypté le message, et j’ai attendu la réponse. Ange me<br class="calibre4"/>carressait avec son nez, m’a embrassé dans le cou, et nous sommes restés l’un<br class="calibre4"/>contre l’autre. Quelque chose dans le danger et le pacte de partir ensemble –<br class="calibre4"/>ça me faisait oublier l’aspect gênant du sexe, et m’excitait comme un fou.<br class="calibre4"/>Nous étions à moitié nus quand le mail de Masha est arrivé:</p>
<p class="calibre2">> Vous êtes deux ? Pour l’amour du Ciel, comme si ça n’était<br class="calibre4"/>> pas déjà assez compliqué comme ça ! Je ne suis pas autorisée<br class="calibre4"/>> à sortir, sauf pour faire de l’observation de terrain après<br class="calibre4"/>> un gros coup du Xnet. Tu me comprends ? Mes officiers<br class="calibre4"/>> traitants surveillent chacun de mes mouvements, mais j’ai<br class="calibre4"/>> une laisse un peu plus longue si les Xnetters frappent un<br class="calibre4"/>> grand coup. Alors seulement, ils m’envoyent sur le terrain.<br class="calibre4"/>> Toi, organise quelque chose de spectaculaire. On m’y<br class="calibre4"/>> enverra. Je nous ferai sortir tous les deux. Tous les<br class="calibre4"/>> trois, si tu insistes. Mais que ça soit rapide,<br class="calibre4"/>> Je ne peux pas t’envoyer des tonnes de mails, compris ?<br class="calibre4"/>> Ils me surveillent. Ils se rapprochent de toi. Il ne te<br class="calibre4"/>> reste pas beaucoup de temps. Des semaines. Peut-être<br class="calibre4"/>> seulement des jours. J’ai besoin de toi pour sortir.<br class="calibre4"/>> C’est pour ça que je fais tout ça, au cas où tu te poserais<br class="calibre4"/>> la question. Seule, je ne pourrais pas sortir. Il me faut<br class="calibre4"/>> une grosse diversion du Xnet. Ca, c’est ton rayon.<br class="calibre4"/>> N’échoue pas, M1k3y, ou nous sommes morts tous les deux.<br class="calibre4"/>> Et ta nana avec nous.<br class="calibre4"/>> Masha.</p>
<p class="calibre2">Mon téléphone a sonné, nous faisant sursauter tous les deux. C’était ma mère,<br class="calibre4"/>qui voulait savoir quand je rentrais à la maison. Je lui ai dait que j’étais<br class="calibre4"/>en route. Elle n’a pas fait allusion à Barbara. Nous avions convenu de ne pas<br class="calibre4"/>aborder le sujet au téléphone. C’était une idée de mon père. Il pouvait devenir<br class="calibre4"/>tout aussi paranoïaque que moi.<br class="calibre4"/>- Il faut que j’y aille, ai-je dit.<br class="calibre4"/>- Nos parents vont…<br class="calibre4"/>- Je sais, ai-je répondu. J’ai vu ce que ça a donné quand mes parents m’ont<br class="calibre4"/>cru mort. Me savoir en fuite ne va pas leur faire beaucoup mieux. Mais je<br class="calibre4"/>préfère être en cavale qu’en prison. C’est ce que je pense. De toute manière,<br class="calibre4"/>une fois qu’on aura disparu, Barbara pourra publier sans crainte de nous<br class="calibre4"/>attirer des ennuis.</p>
<p class="calibre2">Nous nous sommes embrassés sur seuil de sa chambre. Pas l’un de ces trucs sexy et<br class="calibre4"/>mouillés que nous faisions d’habitude quand nous nous séparions. Un baiser doux,<br class="calibre4"/>cette fois-ci. Un long baiser. Un baiser pour se dire au revoir.</p>
<p class="calibre2">Les trajets en BART incitent à l’introspection. Quand le train se balance et que<br class="calibre4"/>vous essayez d’éviter de regarder les autres passagers dans les yeux, et que vous<br class="calibre4"/>ne voulez pas lire des publicités pour la chirurgie esthétique, les micro-crédits<br class="calibre4"/>et les tests de SIDA, quand vous essayez d’ignorer les graffitis et de ne pas<br class="calibre4"/>regarder de trop près les choses sur la moquette. Alors, votre esprit commence à<br class="calibre4"/>mouliner et à ruminer.<br class="calibre4"/>On se balance d’avant en arrière et l’esprit repasse sur tout ce qu’il a négligé,<br class="calibre4"/>rejoue le film de sa vie où on n’est pas le héros, mais un minable ou un pauvre type.<br class="calibre4"/>Le cerveau échaffaude des théories du genre : si le DSI voulait mettre la main au<br class="calibre4"/>colet de M1k3y, quelle meilleure manière que de l’attirer à découvert, de le faire<br class="calibre4"/>paniquer au point de se lancer dans une espèce de grosse opération publique de Xnet ?<br class="calibre4"/>Le cerveau propose ce genre de trucs même si le trajet ne dure que deux ou trois<br class="calibre4"/>arrêts. Quand on sort, et qu’on commence à bouger, le sang se met à circuler et<br class="calibre4"/>le cerveau se remet à vous aider. Parfois, le cerveau vous donne le problème<br class="calibre4"/>avec sa solution.</p>
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